Au Mali, un « cadre » du groupe Etat islamique au grand Sahara arrêté par la France

DAPHNE BENOIT / AFP Un soldat français de l’opération « Barkhane » en patrouille entre Gossi et Hombori, au Mali, en mars 2019.

L’arrestation a eu lieu le 11 juin dans la matinée, dans la zone dite « des trois frontières », aux confins du Mali, du Niger et du Burkina Faso.La traque continue : la force française antidjihadiste « Barkhane » a arrêté un « cadre » du groupe Etat islamique au grand Sahara (EIGS), un succès de plus dans la politique désormais revendiquée de viser les leaders des groupes djihadistes de la zone.

Dadi Ould Chouaïb, alias Abou Dardar, « l’un des cadres de l’EIGS », est « également suspecté d’avoir mutilé trois hommes le 2 mai lors du marché hebdomadaire de Tin Hama » (nord), a indiqué l’état-major français dans un communiqué, précisant que le djihadiste s’était rendu sans résistance et qu’il portait « une arme automatique, une lunette de vision nocturne, un gilet de combat, un téléphone et une radio ».

L’arrestation a eu lieu le 11 juin dans la matinée, dans la zone dite « des trois frontières », aux confins du Mali, du Niger et du Burkina Faso, l’une des régions principales d’action des groupes djihadistes installés au Sahel, notamment de l’EIGS. Il y avait été repéré par un hélicoptère au cours d’une opération conjointe de « Barkhane » et des forces armées nigériennes.

Abou Dardar est un ancien membre du Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), dont certains cadres ont créé l’EIGS. Arrêté une première fois en 2014, il avait été remis aux autorités maliennes. Mais il avait fait partie des quelque deux cents djihadistes libérés en octobre 2020 en échange de quatre otages, dont la Française Sophie Pétronin, au terme de négociations auxquelles Paris avait revendiqué n’avoir pas été associée.

« Décapiter ces organisations »

Le 2 mai, des hommes armés avaient rassemblé la foule lors du marché hebdomadaire de Tin Hama et lui avaient présenté trois hommes qualifiés de voleurs auxquels ils avaient coupé la main droite et le pied gauche, selon des informations recueillies auprès d’interlocuteurs locaux s’exprimant sous couvert de l’anonymat. Ces hommes armés étaient présumés appartenir à l’EIGS, avait indiqué la Mission de l’ONU au Mali (Minusma).

Selon une source sécuritaire, depuis sa libération en octobre, « il était cadi [juge islamique] dans la zone d’Ansongo-Ménaka. Je le qualifierais de commandant de second rang, important au niveau local », a-t-elle estimé, soulignant par ailleurs à la fois sa longue absence du terrain et son retour de courte durée qui relativise son poids dans l’organisation.

Son interpellation n’en est pas moins bienvenue pour la France, dont le président Emmanuel Macron avait promis en février, lors d’un sommet avec les chefs d’Etats de la région, « une action renforcée » pour « essayer d’aller décapiter ces organisations », dont « la plus haute hiérarchie continue à nourrir un agenda djihadiste ».

 Paris a donc depuis adopté une stratégie visant prioritairement les chefs. « Barkhane » vient à cet égard de revendiquer l’élimination d’un cadre du groupe Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), adversaire de l’EIGS dans la zone. Baye Ag Bakabo était responsable du rapt et de la mort de deux journalistes français de RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, assassinés à Kidal (nord du Mali) le 2 novembre 2013.

Lutte ciblée contre les djihadistes

L’opération « Barkhane » est désormais officiellement promise à une fin prochaine. Elle sera remplacée par un dispositif international plus léger d’appui et d’accompagnement au combat des troupes des pays de la région, au prix d’une montée en puissance espérée des Européens et d’un investissement majeur des Etats concernés.

La France souhaite ne plus tenter de sécuriser des zones où les Etats n’arrivent pas à garder pied, pour se concentrer sur la lutte ciblée contre les djihadistes et l’appui des forces locales. Une réorientation qui intervient alors que l’élection présidentielle de 2022 se rapproche en France, où cet engagement militaire suscite des interrogations croissantes, notamment au regard des cinquante soldats tués au combat depuis 2013.

Mais cette stratégie fait craindre que certaines zones du Sahel, notamment le nord du Mali, ne passent complètement entre les mains des groupes djihadistes tant les Etats locaux semblent dans l’incapacité de restaurer leur autorité dans ces vastes bandes désertiques et extrêmement pauvres.

 Source: le Monde