La Côte d’Ivoire et le Ghana furieux contre deux multinationales du chocolat

© REUTERS/Hereward Holland Des fèves de cacao séchées sont emballées dans des sacs en toile de jute dans une plantation de cacao près d'Amankwakram dans l'ouest du Ghana, à la frontière avec la Côte d'Ivoire.

Fin novembre (lundi 30), la Côte d’Ivoire et le Ghana ont haussé le ton face à deux multinationales américaines du chocolat. Hershey et Mars sont accusées d’avoir évité de payer une prime de 400 dollars par tonne de cacao achetée.  Appelée « Différentiel de revenu décent », cette somme a été négociée l’année dernière avec les grands groupes chocolatiers. Elle est destinée à assurer une hausse des prix aux producteurs. Abidjan et Accra reprochent donc aux deux sociétés incriminées de jouer un double jeu.

Des messages de protestations adressés aux deux multinationales américaines, ce n’est pas dans les habitudes des gestionnaires de la filière cacao en Côte d’Ivoire et au Ghana : le Conseil Café Cacao et le Cocobod.

Yves Brahima Koné, directeur général du Conseil Café Cacao : « Nous avons quelques mésententes dans l’application du différentiel de revenu décent. L’objectif pour nous c’est de ramener chaque partie à respecter l’accord que nous avons conclu ensemble. De toute façon, sans eux, l’accord que nous avons conclu dans l’intérêt des planteurs n’a pas son sens. »

Le Conseil Café Cacao et le Cocobod ont donc engagé un bras de fer face aux deux chocolatiers américains, en suspendant notamment Hershey des programmes de durabilité, qui certifient que les grands groupes achètent du cacao « éthique », c’est-à-dire des fèves qui ne sont pas issues de plantations ayant entraîné la déforestation ou fait travailler des enfants.

« Nous sommes en train de discuter. Nous aussi nous avons des éléments en notre pouvoir, ce sont les programmes de durabilité. La certification en fait partie. Nous considérons qu’on ne peut pas parler de durabilité sans payer le planteur. Si le planteur n’est pas payé, ça veut dire qu’on aura pas de cacao à terme et on n’aura pas du chocolat à terme. C’est le maillon le plus faible et nous sommes convenus qu’il fallait payer le prix qu’il faut au planteur. Avec Hershey, nous sommes en train de discuter. C’est vrai, on a suspendu leurs programmes, nous avons quelques mésententes, on discute, on va s’entendre et on aura une porte de sortie. Je suis convaincu que d’autres industriels ne vont pas nous ramener sur cette voie. »  

 La Côte d’Ivoire et la Ghana pourraient sortir gagnants de leur bras de fer avec Hershey et Mars, selon Christophe Bertrand, secrétaire général du Syndicat des chocolatiers et confiseurs de France : « On a besoin d’eux, on a besoin de leurs volumes, ce sont de gros producteurs. Et s’il est bien travaillé post-récolte, ils produisent un cacao de qualité. Donc de toute façon, les gros industriels, à un moment où un autre ne vont pas savoir où acheter ailleurs. »  

Cet artisan chocolatier est très critique à l’endroit des grands industriels : « L’idée d’un cacao durable est quand même loin de leurs préoccupations, même s’ils utilisent ce mot à tout va. Nous, artisans chocolatiers, on a lancé le 1er octobre 2020 un label qui s’appelle Chocolatiers engagés. On veut du cacao fermenté, on veut travailler uniquement avec des coopératives paysannes dans lesquelles il y a un certain nombre de femmes. Evidemment pas de déforestation, pas de travail des enfants, mais normalement on ne devrait même plus parler de ces questions ! Et on veut que les coopératives mettent en place l’épargne salariale. » 

Grâce au différentiel de revenu décent, les prix au producteur ont augmenté au Ghana et en Côte d’Ivoire où il y a eu une hausse de 21%. Malgré cette augmentation, des centaines de milliers de planteurs auront du mal à sortir de la pauvreté.  

 

  Source: rfi